Histoires

Le Républicain lorrain

Alors que le Metzer Freies Journal était sous-titré « Le Républicain lorrain » depuis plusieurs années, son fondateur Victor Demange décide de lancer une version française de son journal en langue allemande. Ainsi paraît le 13 septembre 1936 le premier numéro du Républicain lorrain. Le titre a été repris du précédent journal car les Mosellans étaient déjà habitué à celui-ci. 

L’idée de créer une version française du Metzer Freies Journal apparaît dans l’esprit de Victor Demange dans les années 1920. Cependant l’entreprise est estimée à 1,5 millions de francs, une somme impossible à réunir à ce moment, son journal n’ayant pas encore touché un public suffisamment large. La conjecture s’améliorant dans les années 1930, le Républicain lorrain est imprimé pour toucher le lectorat mosellan francophone.

Le Républicain lorrain
1936-...

Le Républicain lorrain – Metzer freies Journal

Le journal est plutôt orienté à gauche politiquement parlant, sans pour autant être inféodé à un parti et il ne soutient pas directement le Front Populaire de Léon Blum. Cette position est appréciée des autorités de l’Etat. Le préfet de la Moselle en même qu’il est « un élément essentiel dans l’opinion publique régionale, ainsi que pour le gouvernement l’assurance d’un appui éventuel qui lui a été systématiquement refusé jusqu’à présent par la presse régionale française. » (B.R AL/98/1093, Préfet de la Moselle à Valot, 27 septembre 1936). Cependant Victor Demange se défend d’être un organe de propagande du pouvoir. Il veut « offrir aux Lorrains un journal d’information libre et indépendant, matériellement et moralement » (Le Républicain lorrain, 13 septembre 1936). 

Contrairement à d’autres feuilles de gauche, le journal n’est pas anticlérical, une position qui le pose comme adversaire politique pour d’autres titres de presse comme Le Lorrain ou L’Est Républicain. Ce ne sont pas là les seules critiques qui lui sont faites. On reproche à Victor Demange son « germanisme » : il a affiché à plusieurs reprises sa sympathie pour la Société des Nations et la politique étrangère d’Aristide Briand. Il a aussi manifesté son envie de voir arriver un rapprochement entre la République française et la République de Weimar. Mais lorsque Hitler arrive au pouvoir ce discours disparaît complètement. Lorsque certains clament « plutôt Berlin que Moscou ! », Victor Demange s’exclame « ni Berlin, ni Moscou ! », s’attirant ainsi les foudres des communistes.

 

Une équipe rédaction compétente et volontaire face aux affres de la guerre

La rédaction du Républicain lorrain est confiée à une équipe différente de celle du Metzer Freies Journal. Elle fut d’abord confiée à Henri Maire, un journaliste expérimenté, puis à Jacques Robillot. Ce dernier est considéré comme le véritable artisan du succès du journal. Grâce à ses études supérieures en droit et en philosophie, ainsi que sa bonne connaissance e l’Allemagne, il publie des éditoriaux politiques poignants et percutants, et il n’hésitera pas à dénoncer le régime hitlérien et la menace qu’il incarne pour la paix en Europe. Avant le début de la Seconde guerre mondiale, le journal est tiré à 10 000 exemplaires par jour. Il s’impose sans pour autant éliminer ses concurrents.

Lorsque la guerre éclate, Jacques Robillot est mobilisé comme capitaine, il décèdera à Mauthausen au cours du conflit. Il est remplacé en 1940 par Henri Béziès, mais ce dernier est contraint de saborder la rédaction des deux journaux lorsque les Allemands rentre dans Metz. Victor Demange est en exil à Bordeaux d’où il édite un journal pour les évacués de la Ligne Maginot, le Journal des réfugiés, afin de participer à la Résistance de la façon la plus naturelle qui soit pour lui : en continuant d’informer les Français. Le journal reparaît enfin le 1er février 1945. En 1958 la fille de Victor Demange, Marguerite Puhl-Demange, prend la tête du Républicain lorrain.

 

Du sport et des photographies : la recette de la longévité

Les raisons du succès du journal sont multiples. En premier lieu, l’accent a été mis sur la présentation afin de la rendre plus moderne : les premières pages sont réservées aux informations les plus importantes, mais les nouvelles locales ne sont pas délaissées pour autant. La bonne qualité technique du journal se reflète dans ses reportages richement illustrés de photographies d’excellentes qualité. Grâce à un large réseau d’agences et de correspondants, le Républicain lorrain informe aussi sur les nouvelles nationales et internationales.

La réussite de ce journal tient surtout au fait qu’il prend en compte les divers besoins d’un lectorat très large, notamment parmi les classes populaires des ouvriers et des employés. Il se place comme un journal à leur portée, sans condescendance et sans politique partisane. La mise en avant de la vie associative locale (les fêtes, manifestations, concours, défilés…) est un argument commercial qui fait mouche. Mais ce qui démarque le Républicain lorrain de ses concurrents, ce sont ses articles et reportages sur la vie sportive locale et nationale, très fournis en photographies et documentés sur plusieurs pages.

 

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Source : Roth, François, Le temps des journaux, Editions Serpenoise, Presses Universitaires de Nancy, 1983, 276 pages.