Histoires

L'Espérance : courrier de Nancy

La Monarchie de Juillet (1830-1848) voit naître en province une presse religieuse, d’inspiration catholique, avec les journaux L’Abeille à Strasbourg ou l’Espérance à Nancy, ou d’inspiration protestante, comme La Voix du Nord.

L'Espérance : courrier de Nancy
Naissance et développement du journal

Les fondateurs

"L’Espérance, courrier de Nancy" est fondée le 24 décembre 1840.
Ce journal est l'œuvre de deux catholiques libéraux, aidés par des aristocrates et religieux, aidant à son développement dans les campagnes, chez les curés et les familles dévotes. Se targuant d’un haut niveau moral et intellectuel, l'Espérance publie sur les sujets d’actualité, locaux et nationaux, relate les événements religieux, soutient la papauté, disserte sur les autorités. De 1 000 exemplaires, devenant quasi quotidien, le journal compte 1 800 abonnés fin 1863 et s’étend au public bourgeois.
Ses fondateurs, Foblant et Landrian, avocats de Nancy, sont rejoints par Gouy, autre avocat. En 1844, Vagner, libraire imprimeur nancéien, remplace de Landrian. En 1845, Dolard de Myon, Foblant (futur député de la Meurthe) et Vagner sont nommés gérants.
Imprimé chez Fraysbois et Grimblot, puis chez Vincenot, il l’est désormais chez Vagner qu i—  à partir de 1856 — en est le seul gérant.

 

Les journalistes
 

Brucker fut le premier rédacteur en chef du journal. Vagner délègue la tenue des articles à l’érudit et laborieux Strasbourgeois Kæuffer, dévoué au catholicisme.
Rédacteur en chef de 1851 à sa mort en 1895, il est d’un tempérament passionné, agressif et sarcastique, que Metz-Noblat admire : « Plus je lis ce gaillard là, plus je m’émerveille de sa fécondité, de sa fertilité ! ». Le préfet note qu’il « ne se fait pas faute, en effet, d’employer des allusions plus ou moins transparentes pour dénigrer systématiquement le gouvernement » et relève « l’intention de rendre le gouvernement de l’Empereur à la fois odieux et ridicule », qualifiant L’Espérance de « mauvais esprit ».

D’autres participent à la rédaction, tels Vienne, Metz-Noblat, Ravinel (député des Vosges),...
En 1895, c’est Viton de Thorame qui reprend le flambeau éditorial, jusqu’à la disparition du journal, le 31 janvier 1898.

L'Espérance : courrier de Nancy
Ambition et mort du journal

Les objectifs du journal

L’Espérance se donne pour missions : veille des signes du réveil catholique, conseil d’ouvrages, message aux agriculteurs. Elle lutte pour l’observance du dimanche, les écoles religieuses, l’enseignement libre.
En 1849, les journalistes libéraux de l’Espérance ne trouvent pas la loi Falloux satisfaisante, car elle donne la liberté à l’enseignement secondaire. Metz-Noblat et Vienne démissionnent. Foblant est partisan du sabordage du journal. L’Espérance est maintenue par l’entêtement de Vagner.

Les contraintes

À partir de 1852, le pouvoir autoritaire et répressif de Napoléon iii restreint encore la liberté de la presse.
1860 est une année sombre, attendant les décrets qui amorcent une évolution libérale jusqu’en 1870.

Alfred-de-Falloux
Portrait Alfred de Falloux (source Gallica)

Certains journaux sont suspendus, d’autres supprimés, d’autres avertis. L’Espérance, légitimiste, reçoit un avertissement pour avoir attaqué « le gouvernement et toutes ses institutions ». En effet, rejetant la notion de souveraineté nationale exprimée par les élections, Kæuffer a écrit : « Comme conservateurs, nous  sommes épouvantés. Toute révolte qui réussit sera légitime. […] quel gouvernement est possible avec cette doctrine ! »
En 1864, une modification du Code pénal ôte à la grève le caractère de délit. Les premiers syndicats ouvriers s’organisent. L’Espérance édite en décembre 1864 : « Nous applaudissons aux efforts qui se font pour réunir les ouvriers en associations » félicitant la naissance de la Première Internationale !

 

La fin du journal


En 1864, l’encyclique Quanta Cura condamne ce qui reste de libéralisme dans le catholicisme. Les articles de L’Espérance reflètent alors le désarroi de ses dirigeants, qui la publient sans commentaires.
Durant 1870, L’Espérance ne paraît pas. En 1873, elle se déclare monarchiste, sans les excès des légitimistes.

En 1891-1892, L’Espérance se montre favorable aux catholiques ralliés à la République, mouvement soutenu par Lavigerie (évêque de Nancy).
En 1891, elle adopte l’encyclique Rerum Novarum, qui favorise la création et le développement d’œuvres de charité, en ouvrant des souscriptions.

Ainsi, « De sa création à ce jour (1863), ce journal est resté constamment l’écho du parti légitimiste et du parti clérical. »
Après 57 ans de lutte, L’Espérance affirme, dans l’éditorial d’adieu du 30 janvier 1898, « qu’elle combattit toujours pour la justice, la liberté et la religion » dans « une inaltérable soumission au Saint-Siège ».

Voir tous les numéros numérisés de l'Espérance, courrier de Nancy.