Histoires

Le Journal de la Meurthe et des Vosges

La publication, voix jacobine à l’origine sous le titre de Patriote de la Meurthe en 1797 paraît jusqu’en 1920, longévité rare dans la presse française de cette époque. Le journal connaît un virage idéologique dans la seconde moitié du XIXe siècle en développant des idées monarchistes et d’extrême droite jusqu’à son arrêt définitif.

Le Journal de la Meurthe et des Vosges
Un itinéraire politique particulier

Les débuts du journal

Le 1er vendémiaire an VI (22 septembre 1797) est publié à Nancy le premier numéro du Patriote de la Meurthe après quelques tracts intitulés Extraits de journaux patriotes.

Né sous le Directoire du désir de quelques jacobins nancéiens, dont Claude Thiébaut et Duplan — liés par des affinités politiques et souhaitant porter les idées de la Révolution —, le journal est contraint de changer plusieurs fois de titre la première année. Il s'est brievement appelé Journal politique et moral de Nancy avant de prendre définitivement le nom de Journal de la Meurthe en 1798.

Au bout de 2 ans d’existence, sous le Consulat et l’Empire, alors que la période devient difficile pour la presse, il adopte un ton moins radical et perdure sans trop de difficultés.

En 1813, à la mort de Thiébaut et surtout en 1814 lors de la Restauration, la publication redevient feuille d’opposition et voit se succéder à sa tête Guivard, Bontoux et Lepage jusqu’en 1830.

Le Journal de la Meurthe et des Vosges
Un glissement idéologique progressif

Un ton plus radical

Le titre, quotidien de 1869 à 1918,  est complété (« Journal de la Meurthe et des Vosges ») et son discours se radicalise dès l'arrivée de  Léonce Florentin, à sa tête de 1892 à 1920. 

Ce dernier ne fait pas cas du virage politique dans l’éditorial du 23 septembre 1898, jour du 100e anniversaire du titre. Ainsi, il évoque « le nancéien Thiébaut » qui « plantait le frêle arbuste et le confiait au sol agité de 1798 » et déclare d’une phrase neutre que le Journal de la Meurthe et des Vosges « peut, du moins, se rendre le témoignage d’avoir, depuis 1798, joué un rôle important, souvent utile, dans la vie de Nancy et de la Lorraine ; il peut se flatter d’avoir honorablement tenu sa place depuis un siècle dans la vie politique de la France. » .

Toutefois un catholicisme affirmé ressort du même éditorial qui se termine ainsi : « En avant, toujours en avant, pour Dieu et pour la France ! Telle est, telle sera sa consciente devise ». Nous sommes loin de l’hostilité des premiers numéros du Patriote de la Meurthe envers le royalisme et le cléricalisme.

Le Journal de la Meurthe et des Vosges
La lente agonie des six dernières années

La période de guerre

Après l’attentat de Sarajevo, le journal s'emploie à relater les évènements en mettant systématiquement l'accent sur la dimension catholique et monarchique de l'actualité. L'analyse n'y a que peu de place, puis comme l’ensemble de la presse française, il subit le décret du 2 août 1914 suspendant la liberté de la presse jusqu’en octobre 1919.

Le nouveau bureau de presse du ministère de la guerre est chargé d’organiser la censure qui soumet les journaux à un régime de contrôle préalable et, pour compenser l’interdiction, l’État-major donne chaque jour trois communiqués officiels de versions souvent inexactes des opérations.

On relève peu de coupures, de « caviardage » — révélés par des blancs — dans les colonnes du Journal de la Meurthe, cela dû sans doute à l’auto censure des journalistes eux-mêmes.

Ce sont d’autres problèmes d’ordre financier cette fois, que connaît également le journal. En octobre 1916 et en juin 1918, il fait ainsi appel à la générosité de ses lecteurs, ceux qui voient en lui « le fidèle défenseur de l’Église et de la France » et qui savent que, la guerre finit, « la France devra se protéger alors contre les vagues du socialisme et contre les vagues de l’anticléricalisme ».

Le Journal de la Meurthe et des Vosges
La fin

Une lente agonie

De quotidien, la publication passe en rythme hebdomadaire de 1918 à 1920.

Les auteurs de l’Histoire générale de la presse française ont ces mots pour décrire le journal avant son déclin :

«… à Nancy, la vieille feuille conservatrice, le Journal de la Meurthe et des Vosges, lié aux milieux industriels des salines et des cristalleries, vécut sans éclat jusqu’en 1914… »

Les positions rigides et l’extrémisme de son rédacteur en chef entraînent une désaffection pour la publication qui s’arrête définitivement après qu’une minorité de royalistes cesse de le soutenir financièrement. Florentin reconnaît dans le dernier numéro que « grâce aux sacrifices généreux et sans cesse renouvelés de fidèles amis, il avait pu supporter les dures épreuves de la guerre ».

Voir tous les numéros numérisés du Journal de la Meurthe et des Vosges.

Sources

- Histoire générale de la presse française. Paris : PUF, 1972

- Le Journal de la Meurthe de 1798 à 1830 : thèse / Jacques Jalouneix. Nancy : Université Nancy II, 1974