Peur et reconstruction
La période d'octobre à novembre 1944 est marquée par un contraste saisissant. D'un côté, règne une peur palpable des combats. De l'autre, un désir de reconstruction, une volonté de voir la France renaître de ses cendres et retrouver sa grandeur.
En effet, à peine la libération de Nancy est-elle survenue que s'installe une période de doute et de peur. Bien que Lunéville ait pu être libérée après Nancy, la population reste dans l'expectative. L'ennemi demeure proche et la menace persiste. Les habitants doivent prendre des précautions drastiques : les fenêtres doivent être occultées la nuit pour éviter toute lumière visible, les déplacements sont strictement contrôlés et il est impératif de laisser passer les troupes américaines dans la ville. Le Journal de Lunéville, qui vient de renaître, participe à informer la population de toutes ces règles. Toutes les consignes et directives dictées par le maire y sont minutieusement exposées.
Chaque page de ces premières éditions témoigne de l'atmosphère pesante qui règne sur la ville, où la vigilance est de mise à chaque instant. Le couvre-feu reste en vigueur, et des sirènes d'alerte sont installées pour prévenir des bombardements, permettant ainsi aux habitants de se réfugier dans les abris.
La libération est certes une victoire, mais la région se remet des ravages de l'occupation. Le Démocrate de l'Est annonce en octobre une information inquiétante : Hitler et Himmler ordonnent la mobilisation des garçons âgés de 16 ans, puis Hitler étend la mobilisation aux « gosses de 15 ans ». Ces nouvelles concernant la mobilisation forcée des jeunes allemands sont des rappels poignants que la guerre n'est pas terminée et que le spectre des combats peut ressurgir à tout moment. Malgré les avancées des forces alliées et la libération de nombreuses villes, l'ennemi continue de mobiliser ses ressources et de préparer sa défense avec une détermination sans faille.
Outre les sombres nuages de la guerre qui persistent, l'heure est également à la reconstruction et à la résilience. Une volonté émerge, une détermination à résister à la terreur toujours présente, à rester unis et solidaires face à l'adversité. Dans chaque journal, l'appel au travail retentit, incitant chaque citoyen à contribuer à l'effort de reconstruction. Dès octobre 1944, les enfants sont renvoyés à l'école, symbole de la reprise de la vie quotidienne et de l'espoir pour l'avenir. Une vision ambitieuse du futur se dessine, une volonté de refaire la France en tant que grande puissance européenne et de réparer les dégâts causés par la guerre. Les journaux se félicitent du rôle que jouera la France dans la décision du sort de l'Allemagne. À Nancy, une noble initiative voit le jour : les habitants sont encouragés à tendre la main aux réfugiés français qui ont tout perdu lors des bombardements. La Croix de Lorraine du 15 octobre propose trois règles fondamentales destinées à soutenir la résistance et à contribuer à la libération du pays ; se taire pour éviter que les oreilles collaborationnistes ne captent des informations compromettantes ; fournir des informations vitales aux forces de libération, récupérer les armes disséminées pour éviter qu'elles ne tombent entre les mains des ennemis.