Avant la Libération

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À partir de 1940, en France, les journaux traditionnels cessent de paraître en raison de la censure imposée par l'occupant. Ils sont alors remplacés par ce que l'on désigne sous les noms de journaux collaborationnistes ou encore de journaux d’occupation. Ces publications prennent le monopole de l'espace journalistique et deviennent la seule source d'information papier autorisée. En Lorraine, ces journaux sont L'Express de l'Est ou encore Échos de Nancy, Gérardmer etc.

À l'été 1944, à l'approche imminente des troupes alliées, les articles adoptent une posture défensive. Dans l'Écho de Nancy, l'arrivée des forces alliées n'est ni dissimulée ni glorifiée. Cependant, une ligne directrice claire transparaît dans le travail des journalistes : dissuader et décourager tout sentiment rebelle. L'Écho de Gérardmer annonce avant les premières frappes de la libération de la Lorraine : « Travailler pour la France ou mourir pour l'Angleterre : le choix de chacun doit être fait. ». 

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L'Écho de Gérardmer

Les colonnes des journaux de collaboration sont remplies de mensonges et de propagande, dépeignant une image faussée de la situation sur le front. Les victoires alliées sont minimisées, voire ignorées, tandis que les succès de l'ennemi sont exagérés et glorifiés. L'Express de l'Est, connu pour son alignement avec les autorités d'occupation, offre le 29 août 1944 un récit des affrontements entre les forces alliées et allemandes en France. Les mots décrivent des combats violents et acharnés, mettant en scène le conflit avec une intensité saisissante. Pourtant, malgré la couverture détaillée de ces engagements militaires, cet article omet toute mention de la situation réelle à Troyes, qui a pourtant été libérée le 27 août, deux jours avant la publication de l'article. Ce silence sur un événement aussi significatif soulève des questions sur l'objectivité et la crédibilité de la presse collaborationniste. Cette manipulation de l'information vise à semer le doute et la confusion parmi la population lorraine, empêchant ainsi tout espoir de résistance et de rébellion. 

Les héros de la résistance, loin d'être honorés pour leur courage et leur dévouement, sont qualifiés de « terroristes » par l'occupant et traqués comme des criminels. Des chasses aux résistants sont organisées avec pour seul objectif de les capturer et de les éliminer. Beaucoup sont dénoncés par des collaborateurs ou des informateurs, et nombre d'entre eux sont exécutés sans procès. Le 5 septembre 1944, alors que les troupes alliées se dirigent vers Nancy,  une nouvelle vague de répression s'abat sur la ville. Un couvre-feu draconien est instauré : il est interdit de circuler entre 19 heures et 7 heures du matin, sous peine d’être pris pour un terroriste et d’être exécuté.

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Couvre feu annoncé dans la presse

Le but est de neutraliser la résistance active des Forces Françaises de l'Intérieur (FFI) et d'écraser toute tentative de soulèvement populaire. Le mot d'ordre est suivi par l'ensemble des journaux lorrains, quel que soit leur lieu de publication. La rébellion est catégoriquement découragée. Ainsi, l'Écho de Gérardmer lance un avertissement le 12 août : toute opposition à l'armée allemande sera sévèrement réprimée. L'article insiste sur la puissance de l'armée allemande, à la fois pour dissuader les combattants potentiels et pour affirmer que les forces alliées n'ont aucune chance de succès. 

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L'interdiction du parti communiste, largement relayé par la presse, traduit cette volonté d'étouffer toute rébellion.

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Dans le dernier numéro de L'Écho de Nancy, un encart du bureau régional de la SS (Schutzstaffel) annonce que l'armée allemande tente de recruter des hommes français, les incitant à « prendre les armes pour l'Europe ». Sans que cela soit explicitement mentionné, les habitants de Nancy commencent à percevoir les signes d'une faiblesse croissante chez les forces allemandes. Des réseaux clandestins de résistance ont diffusé des informations précieuses sur les avancées des troupes alliées, notamment grâce à la radio, un média prisé par les Français de la Résistance et méprisé par l'occupant. Si la police d'occupation a tenté d'interdire les postes de radio en sanctionnant tous ceux qui en possédaient un, les Français ont fièrement résisté. Les journaux, de leur côté, ont systématiquement nié la véracité des informations diffusées par celle-ci, les qualifiant de pure propagande mensongère. L'Écho de Gérardmer en particulier s'emploie à discréditer les informations de la radio, accusant l'Angleterre de propager de fausses nouvelles qui nourrissent un espoir vain chez les Français. Selon le journal, il est impératif que la France accepte sa place dans une nouvelle Europe et reconnaisse que son avenir est lié au Führer. 
Les Nancéiens ne sont cependant pas crédules quant au recrutement de l’armée allemande. Ils saisissent cette opportunité de faiblesse pour organiser une action qui vise à forcer le repli allemand de l'intérieur de la ville. Les FFI prennent les armes. Avec les Américains, ils libèrent la ville 14 jours plus tard.